Dessine moi un MMORPG - Le choix d'une licence
Dans la volonté utopique de développer un MMORPG imaginaire, je vous propose de vous lancer dans une série de réflexions pour -- au fil des papiers -- dessiner un MMORPG unique en son genre.
Pour le meilleur ou pour le pire, depuis l’origine du genre ou presque, les MMORPG se sont inspirés de licences célèbres pour façonner leurs univers. En Occident, on considère traditionnellement Neverwinter Nights (la version d’AOL) comme le premier MMORPG et le jeu était déjà adapté de l’univers de Donjons & Dragons (d’autres l’imiteront plus tard, de Dungeons and Dragons Online à Neverwinter). En Corée, on estime que Nexus - The Kingdom of the Winds est le précurseur du genre et lui aussi s’inspirait d’une licence (les romans graphiques de Kim Jin, eux-mêmes inspirés de légendes coréennes et du mythe des trois royaumes de Corée).
Plus tard, certains MMO ont imaginé des mondes (un peu plus) originaux -- même si force est de reconnaitre qu’ils s’inspirent souvent des « grands classiques » de leurs genres respectifs (une base historique pour Ultima Online, les légendes arthuriennes pour Dark Age of Camelot, les canons de la fantasy pour EverQuest ou de la science-fiction pour Anarchy Online, par exemple). Pour autant, au fil des ans et avec plus ou moins de succès, les licences restent au coeur de bon nombre de mondes massivement multijoueurs, que ce soit l’incontournable licence Star Wars (à deux reprises avec Star Wars Galaxies ou Star Wars The Old Republic), l’emblématique Seigneur des Anneaux (Lord of the Ring Online) ou même Conan le barbare (Age of Conan), voire Warhammer (Warhammer Online: Age of Reckoning, et on se souvient qu’un certain Blizzard l'avait préalablement adaptée à sa sauce pour en faire l’univers Warcraft).
L'idée à l'origine de cet article est d’envisager le développement utopique d'un MMORPG, à travers différents volets, aspects et mécaniques, à commencer par la question de l'univers. La première des décisions à prendre est donc d'acquérir ou non une licence, permettant de s'offrir une vitrine plus ou moins connue. Le principe avantage consiste à écrire ainsi d'un trait une partie de l'histoire du futur monde que vont parcourir les joueurs, tout en encadrant d'office l'imagination des développeurs. Il s'agit donc d'une décision à double tranchant, car lourde de conséquences pour l'avenir. La question du renouvellement de la licence serait d'ailleurs un prétexte tout trouvé pour justifier la fin d'exploitation du MMORPG.
Les choix qui vont suivre ne sont pas exhaustifs, libre donc à chacun de la compléter en l'accompagnant d'arguments pour convaincre le plus grand nombre. De même, évidemment, l'exploitation des licences qui vont suivre ne sont que des hypothèses pour illustrer le potentiel de ces dernières.
Warhammer, la licence maudite du MMO
Il est peu dire que l'univers imaginaire de Warhammer est long comme un bras élastique, fruit de l'imagination de Steve Jackson et Ian Livingstone qui se sont inspirés à l'origine du Seigneur des anneaux de Tolkien, de la licence Donjons et Dragons mais aussi du Moyen Age. On dispose avec cette licence de multiples factions et classes de jeu, de bien des prétextes pour s'affronter dans un monde de fantasy sombre et tortueux. Il y a juste à se pencher pour puiser des idées. De même sa déclinaison futuriste Warhammer 40,000 se place sur ce registre, une incroyable richesse qui a déjà inspiré de nombreuses productions, peut-être trop.
Sans enterrer Eternal Crusade, toutes les tentatives de développer un MMO inspiré de la licence Warhammer se sont soldées pour une fin implacable. On pourrait prendre cela comme un mauvais signe, mais cela permettrait d'obtenir un rabais lors des négociations. Et si des studios ont réussi dans d'autres genres, la licence reste du coup déjà et encore exploitée à de nombreuses reprises, ternissant son image et lui faisant surtout perdre en visibilité. Il n'en reste pas moins que la licence Warhammer dispose d'un potentiel certain en terme de produits dérivés et l'on pourrait imaginer toute une série de figurines dédiées.
Le Donjon de Naheulbeuk, le comique pour rire de tout
Imaginée par John Lang, la sage du Donjon de Naheulbeuk narre des péripéties d'une compagnie d'aventuriers débutants. On dispose des classiques de la fantasy, à la fois pour ses races et classes, tout en se jouant du destin sur un coup du sort ou de l'imagination débordante des créateurs. On ne sait jamais ce qui nous attend au détour d'un couloir ou derrière la porte, mais la constante est que le ridicule ne tue, sauf exception.
La difficulté sera plutôt de prendre au sérieux ce MMORPG, même s'il est fort agréable de rire le plus possible. On pourrait facilement imaginer l'hypothétique boutique du jeu proposer un magnifique tuba, permettant de se donner un air supérieur. Ce magnifique objet intitulé l'En-tuba-ge fournira un point d'égo tout en faisant perdre deux points de charisme.
Même si le donjon serait évidemment parmi les propositions, il ne s'agirait évidemment pas de le restreindre à cela. L'essence même de cette production serait la mise en avant du jeu de rôle, avec la capacité d'écrire et de mettre en place des scénarios à faire vivre à d'autres joueurs. Le jeu disposerait d'ailleurs d'une bande-son déjà enregistrée, pour vivre par procuration des aventures en attendant la prochaine extension.
La valeur de la vie avec Altered Carbon
Si l'univers de science-fiction de la saga littéraire de Richard K. Morgan (qui, à certains égards, semble avoir librement inspiré un certain Cyberpunk 2077) a été nettement fixé dans le cadre d'une série télévisée, il n'en reste pas moins que l'idée de pouvoir transférer son esprit d'un corps à l'autre ouvre bien bien des opportunités. Et dans un monde où l'on peut se jouer de la mort, elle pourrait justement retrouver une certaine valeur dans un MMORPG l'appliquant au pied de la lettre. La progression en terme d'expérience pourrait ainsi disparaitre faute d'avoir pu la sauvegarder à un certain prix.
La quête de l'argent par des moyens plus ou moins douteux serait ainsi omniprésente, pour mieux appréhender l'avenir en se payant quelques corps d'avance. Et si certains voudraient quitter définitivement le jeu, il serait évidemment nécessaire de se convertir au néo-catholicisme. Pour les joueurs soucieux de la vie de leurs congénères, s'attaquer au système de sauvegarde ne serait pas sans conséquences.
La mort permanente de Sword Art Online
On pourrait se contenter de l'univers classique, voire cliché dans sa déclinaison fantasy, de Sword Art Online, mais les mécaniques du MMORPG décris dans le light novel de Reki Kawahara auraient du mal à se distinguer de la concurrence. Par contre, cela permettrait de se distinguer en intégrant d'une manière encore à définir le concept de la mort permanente, pour un piquant certain.
L'ultime Battle Royale, un certain Game of Thrones
Le monde imaginé par George R. R. Martin illustre la volonté de l'homme de s'assoir sur congénères. Chaque faction veut tirer sa carte du jeu, sans occulter les tensions internes à chacune d'entre elles. Contribuer à l'épanouissement de son royaume permet d'améliorer ses chances lors de la bataille finale, au gré des saisons. Car sans refroidir les ardeurs des plus ambitieux, il y aura bien un seul vainqueur à chaque affrontement, jusqu'au prochain coup de froid. Les participants ne jouant pas le jeu prendront le risque d'être envoyés au Mur pour compléter des pénalités.
Certes la licence à des arguments, mais aussi des limites car par exemple la magie est peu présente à quelques exceptions célèbres, réduisant les déclinaisons possibles en terme de classe. Il semble également particulièrement difficile d'équilibrer les différentes races, les nains étant notamment sous représentés. De même si la fornication est particulièrement présente au point d'envisager une extension dédiée à la drague, l'inceste impose visiblement des malus pour sa progéniture difficile à équilibrer.
L'imagination initiale de l'auteur propose toutefois tout un panel d'activités et de propositions de carrière. Mon petit doigt me dit que certains prendraient même l'initiative de tenir des établissements aux moeurs peu vertueuses, ou cèderaient à la noirceur de l'esclavage. Et l'on peut imaginer la saison hivernale marquée par l'événement des Marcheurs, avec le risque de voir le monde persistant submergé par la mort faute d'avoir vu les joueurs collaborer. Pour les autres événements saisonniers, il suffit d'attendre le prochain livre de Martin.
Dune, l’ultime bac à sable
Le cycle de Dune (signé par le romancier Frank Herbert dans les années 1960) se classe incontestablement parmi les très grandes références de science-fiction – ce serait le roman de science-fiction le plus vendu au monde. Et l’adapter sous forme de MMORPG présenterait quelques atouts : l’univers imaginé par Frank Herbert offre des factions (ses grandes familles ayant chacune une philosophie spécifique, en plus des Frémens), des classes toutes trouvées (du contrebandier au mentat-assassin), des enjeux politiques et économiques (autour de l’Epice), des technologies et une forme de magie, et même des bosses d’envergure (les Vers géants de Dune, en attendant d’en faire des montures)... Tous les ingrédients pour imaginer un MMO sandbox, dans un gigantesque bac à sable.
Westworld, le MMO dans le MMO
La licence Westworld (la série de science-fiction de Jonathan Nolan et Lisa Joy) pourrait reposer sur un processus inverse : les créateurs semblent avoir décortiqué les mécaniques d’un MMO (son monde clos, ses PNJ, ses joueurs, ses quêtes et scénarios) pour les transposer dans le monde presque réel d’un parc d’attraction futuriste. Pour boucler la boucle, on pourrait imaginer que la série soit adaptée sous forme de MMO : le jeu pourrait aisément s’appuyer sur un gameplay plutôt theme park, des mécaniques de combat axées sur l’action et des systèmes de hacking avancé, et aurait le mérite de proposer un contexte « western » plutôt rare – et les extensions sont toutes trouvées : l’Inde et le Japon médiéval en s’inspirant de la série, ou le Moyen Âge occidental et la Rome antique si l’on adapte le film Mondwest dont s’inspire la série.
Écrire l'histoire d'un monde ou le choix d'Obi-Wan Kenobi
Faute de pouvoir poser son choix, on peut également partir sur un nouvel univers original, fruit d'une imagination qui devra toutefois établir quelques règles. De la fantasy à la science-fiction en passant par le contemporain, on ne pourra pas faire l'économie d'un choix par défaut. Mais le principe de la page vierge permet de ne s'imposer aucune contrainte, aucune limite si ce n'est l'imagination, en gardant néanmoins les limites technologiques dans un coin de la tête.
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