« Le sandbox ne doit pas être une excuse pour ne pas produire de contenu »
Après des mécaniques theme park très coûteuses à produire, les développeurs de MMO ont parfois considéré qu'un gameplay sandbox permettait de ne pas produire de contenu du tout. Ce n'est pas l'approche du studio Intrepid pour Ashes of Creation.
On l'a noté, les équipes du studio Intrepid ont fait le déplacement à Seattle à l'occasion de la PAX West 2017 pour y présenter la première démo jouable d'Ashes of Creation et le développeur en a profité pour organiser, à l'improviste ou presque, une session de questions / réponses avec les joueurs.
On en retient notamment quelques annonces (une pré-alpha le 15 décembre prochain, le fait que Bear McCreary composera la musique d'Ashes of Creation ou encore que l'univers de jeu du MMORPG est baptisé Verra), mais aussi que « la passion » est le principal moteur d'Intrepid -- évidemment, tous les développeurs (indépendants) tiennent ce même discours, mais c'est manifestement le terme qui revient chez chaque membre de l'équipe de développement pour désigner le CEO Steven Sharif lorsqu'il leur présentait son projet de « MMO idéal » lors des premières phases de recrutements, en décembre 2015, et alors que les locaux du studio était encore vides ou presque (lors du premier recrutement, les lieux ne comptaient que quelques bureaux dans un vaste espace aux allures de hangar, avec des ordinateurs sans écran). Car Steven Sharif a découvert le MMO à l'âge de six ou sept ans (à l'époque, il ne savait pas que le modèle économique reposait sur un coût de 6$ de l'heure de jeu... ce que sa mère lui a appris en découvrant la facture), il n'a depuis jamais cessé de jouer et mature donc l'idée de son MMO idéal depuis des années en attendant de la concrétiser.
Mais au-delà des anecdotes de création du studio Intrepid, les questions de joueurs sont aussi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur les mécaniques du MMO et notamment sur l'orientation du gameplay d'Ashes of Creation. Le jeu repose-t-il plutôt sur des mécaniques « sandbox » basées sur l'interaction des joueurs ou plutôt « theme park », à base de contenus consommables (des lignes de quêtes, des raids et donjons, etc.) ?
Selon Steven Sharif, la question est dévoyée depuis quelques années dans l'industrie du MMO. Longtemps, le MMO s'est appuyé sur des mécaniques de theme park, qui ont l'avantage de prendre le joueur par la main et donc de le capter facilement, mais s'avèrent très couteuses en production de contenu (le contenu est consommé par les joueurs plus vite qu'il ne peut être produit par le développeur). Ces dernières années, on a néanmoins constaté l'émergence d'un gameplay plus « sandbox », plus ouvert et reposant sur les interactions des joueurs entre eux (via du PvP, par exemple). Moins onéreuse à produire mais pas toujours très accueillante pour les joueurs. Et à défut de faire une choix tranché, selon Steven Sharif, le piège consiste à croire qu'un gameplay « sandbox » permet au développeur de s'exonérer de produire du contenu (créer un monde vide et le confier aux joueurs en espérant qu'ils s'en débrouillent).
Dans Ashes of Creation, le développeur entend bien s'appuyer sur des mécaniques de jeux « sandbox » (encourageant les interactions entre les joueurs, dans un monde ouvert et laissant une large place au PvP), mais en produisant le contenu nécessaire pour encourager les joueurs à réellement interagir. Et de donner un exemple en réponse à une joueuse qui s'interroge sur l'accessibilité du MMO, au regard de sa vie sociale et familiale (en d'autres termes, est-il possible de jouer pleinement même quand n'a pas trois, quatre voire cinq soirs par semaine à consacrer à sa guilde pour enchainer les raids).
Selon le CEO, dans Ashes of Creation, c'est la somme des actions individuelles qui fait progresser l'univers de jeu, au travers du système de nodes (toutes les actions des joueurs, de la simple quêtes aux activités d'artisanat en passant par le PvP ou les raids d'envergure), qui « nourrit » une région et la fait progresser. De quoi encourager l'investissement, même modeste, de chacun dans « sa » région et à « sa » mesure. La zone se développe, le joueur s'y installe et y achète par exemple une petite maison qu'il exploite dans son coin (avec un peu d'artisanat, de chasse aux monstres, d'exploration ou de commerce, etc.). Mais si la région est attaquée par une contrée adverse (PvP) ou par un world boss (PvE), il sera sans doute enclin à la défendre : pas forcément dans le cadre de raids massifs (même si Ashes of Creation intègre des raids massifs pour 40 joueurs) ou en s'investissant durant des heures, mais simplement à son niveau et à l'échelle de sa demeure. Chaque contribution doit avoir son (petit) effet (escorter une caravane marchande, découvrir par hasard un donjon secret, etc.) et c'est la somme des activités, simples et naturelles, de tous les joueurs qui nourrissent l'univers de jeu et le font évoluer, grandir ou s'effondrer.
Selon Steven Sharif, il ne s'agit pas de créer des lignes de quêtes que les joueurs rempliront à la chaîne et parallèlement les uns aux autres en faisant tous la même chose mais sans réellement se croiser, ni de générer un monde vide en espérant que les joueurs se prennent en main et l'animent. Il espère ici « penser » différentes étapes d'un système de progression, mais à l'échelle d'un monde et non d'un personnage, sur un plan narratif et systémique -- comment un petit village deviendra une ville voire une mégalopole, sous l'impulsion d'un système politique (avec leurs actions, les joueurs choisissent l'orientation commerciale, militaire, religieuse ou autres de la cité), tout en interagissant avec les joueurs de sa contrée mais aussi avec les autres contrées et leurs habitants.
Et si le CEO dit avoir une idée très claire des mécanismes à l'oeuvre, il se dit aussi conscient du volume de contenu que représente ces mécanismes (bien plus colossal, dit-il, que dans un MMO theme park traditionnel puisqu'il ne s'agit pas de scripter une voie unique, mais bien de multiplier les zones d'intérêt, accessible à tous indépendamment du niveau ou de l'investissement, à son niveau et à son échelle). Mais il se dit aussi confiant, notamment quand il voit l'enthousiasme de son équipe de développement et son investissement (notamment en termes d'heures de travail) quand il a simplement fallu créer la démo de la PAX en un temps record.
Évidemment, les promesses n'engagent que ceux qui y croient, mais on sera sans doute quoi qu'il en soit curieux de découvrir plus concrètement ces mécanismes de jeu, en principe à partir du 15 décembre prochain dans le cadre d'une première pré-alpha.
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