Retour aux sources pour les MMORPG, entre nostalgie et désillusion
Au fil de son évolution, le MMORPG ne répond plus forcément aux attentes de ses adeptes. Plusieurs pistes sont alors explorées par les joueurs, dont le retour aux sources pour (re)trouver un certain idéal.
Au bout de quelques errements vidéo ludiques, une douce réplique peut éventuellement nous traverser l'esprit. Ce fameux « c'était mieux avant », celui nous faisant regretter une extension ou un MMORPG porté disparu. Pour un genre n'ayant en théorie pas de début et encore moins de fin, la constante évolution du MMORPG va progressivement lasser une partie de ses joueurs. Cette évolution est pourtant nécessaire pour renouveler l'intérêt du jeu, combattant paradoxalement une autre forme de lassitude qui va s'installer dans le quotidien. La résolution de cette contradiction trouvera de nombreuses réponses, aussi bien des développeurs que des joueurs.
Des tentatives de compromis
Production qui ne compte plus ses années, RuneScape est une véritable réussite en terme de longévité. Le studio Jagex ne cesse de faire évoluer son MMORPG, dont le monde s'enrichit avec son lot de quêtes et nouvelles contrées à explorer. RuneScape fait partie de ses titres pouvant mettre ainsi en avant une montagne de contenu. Les graphismes affichés à l'écran aujourd'hui ne ressemblent en rien à ceux du lancement -- une amélioration graphique à laquelle peu de MMORPG peuvent prétendre.
Pourtant, de nombreux joueurs de RuneScape ne se retrouvent plus dans la version moderne de leur jeu. Le studio Jagex a donc opté pour l'ouverture de serveurs old school, basés sur une ancienne version mais continuant d'évoluer en fonction des retours des joueurs. Autre compromis, le gameplay à l'ancienne a été intégré dans la version actuelle, proposant ainsi en option de poursuivre l'aventure moderne en conservant ses habitudes. Toujours réunis sous la bannière RuneScape, la communauté s'est pourtant scindée en deux entités continuant d'évoluer en parallèle.
Loin d'être aussi florissant, Lineage II a cependant emprunté une voie similaire en proposant en décembre dernier une version Classic revenant à l'état d'origine. Quasiment disparu en Occident, Lineage II fait donc une réapparition remarquée, s'appuyant exclusivement sur la nostalgie. On en oublierait presque que Lineage premier du nom remplit encore les caisses de l'éditeur coréen NCsoft, l'exception d'une règle qui veut (à tort ici) qu'une suite achève son prédécesseur.
Faire table rase du passé
Le studio ArenaNet avait axé Guild Wars sur la coopération, pour mieux s'engager dans des instances calibrées. Le jeu a évolué au fil des extensions, jusqu'à un certain essoufflement. Il fallait donc un nouveau souffle, qui prendra la forme d'une suite. Basculée en MMORPG, la nouvelle copie d'ArenaNet aura de quoi surprendre les joueurs de la première heure. L'univers et quelques références assureront donc le seul fil rouge entre les deux versions, laissant de coté une bonne partie de sa base de joueurs. Guild Wars 2 est donc un nouveau départ, quand on abandonne une partie de soi pour mieux rebondir.
De son côté, sans autant renier ses origines, PlanetSide devait proposer une refonte complète de son moteur et de ses graphismes. Ce projet est pourtant devenu PlanetSide 2, suite reprenant les bases de son prédécesseur mais également quelques changements. Il n'en fallait pas plus pour accueillir de nouveaux joueurs et décevoir une partie des anciens. Et malgré quelques réticences du studio SOE, la première version a perduré pour mieux accueillir les nostalgiques sans pour autant accueillir de mises à jour. Ce constat n'ôtera pas les qualités de PlanetSide 2, le seul MMOFPS actuel méritant cette appellation. Et dans tous les cas, la page est tournée même si la suite n'enchante pas tous les joueurs.
Le syndrome Star Wars Galaxies
Rencontre des fameux développeurs d'EverQuest avec la célèbre licence Star Wars, le MMORPG Star Wars Galaxies avait tout pour réussir (le MMO devait être le premier à passer le cap du million d'abonnés). Il se transformera en drame intersidéral pour de nombreux adeptes. Trois lettres suffisent à résumer toute une histoire, NGE (pour New Game Enhancements, la seconde refonte du système de combat du jeu). Nécessaire pour les développeurs, cette refonte de Star Wars Galaxies conduira le jeu à sa perte. Cette évolution a ainsi scindé la communauté, ne se retrouvant plus sur un MMORPG qui avait trop changé à leurs goûts. La chute sera longue, jusqu'au moment où SOE signera le clap de fin. L'ambitieux Star Wars The Old Republic pointait alors le bout de son nez, et qui au final se révélera bien différent.
Et alors que certains joueurs de Star Wars Galaxies n'ont ainsi jamais tourné la page, ils se retrouvent aujourd'hui avec une certaine émulation « en privé » (sur des serveurs ayant la bénédiction de feu Sony Online).
D'autres ont la même ambition, avec plus ou moins de succès. Des développeurs veulent ainsi même reprendre le flambeau avec The Repopulation, symbole de cette volonté de retour aux sources mais cette fois par le biais du financement participatif. Encore récent, ce mouvement peine à se concrétiser comme l'illustre parfaitement le cas de The Repopulation, en difficulté financière. Idem avec Darkfall Online, résurrection de la première version du MMO PvP initiée par des joueurs regroupés au sein d'un studio, pour nier les évolutions opérées par le développeur original. Autre séquence nostalgique similaire avec City of Titans (porté par des joueurs ayant fondé leur propre studio), se voulant une suite spirituelle de City of Heroes dont les super-joueurs n'ont plus retrouvé de terre d'accueil après l'arrêt de l'exploitation. Ces joueurs en errance, hantant les forums et les nouveaux jeux en quête d'une passion à raviver, se sont pris en main -- ou s'orientent vers les valeurs sûres.
World of Warcraft, le roc immuable
À sa sortie en 2005, World of Warcraft a posé les bases du MMORPG capable de s'adresser au plus grand nombre. La référence du genre l'est toujours aujourd'hui en Occident, malgré des chiffres d'abonnés qui font des montagnes russes. Le studio Blizzard a depuis le lancement fait considérablement évolué son titre, tentant de concilier l'exigence de certains joueurs aux besoins d'accessibilité d'autres. Les extensions rythment ainsi la vie du MMORPG, quand les développeurs rappellent les troupes pour un temps. Chaque extension est un nouvel essai pour les développeurs, mais aussi une leçon à retenir voire une tentative de renouvellement radicale : ainsi Cataclysm avait en son temps redessiné une partie du monde -- sans pour autant retenir durablement les joueurs une fois l'histoire terminée.
De nouvelles animations pour rafraîchir les têtes, des armures toujours plus légendaires, des raids aux petits oignons, des statistiques et des compétences revues pour aménager une progression au bout de plus de dix ans, de nouvelles contrées... la tâche est sans fin pour Blizzard. World of Warcraft est devenu un monstre de contenu, faisant oublier à Blizzard l'idée de lui trouver une suite à la hauteur. Et même si World of Warcraft se veut en accord avec son temps, il lui arrive de voir certains joueurs basculer sur des serveurs privés au parfum de vanille. Ces joueurs cherchent une époque révolue, que Blizzard ne préfère pas voir en étant résolument tourné vers l'avenir.
Comptant d'anciens membres de Blizzard Entertainment, Carbine Studios a justement voulu jouer sur cette fibre nostalgique avec WildStar, cherchant à s'inspirer des codes classiques du genre mais remis aux goûts du jour. Ce MMORPG sous la coupe de NCsoft a mis en avant des raids exigeants mobilisant les joueurs, sans les trouver au final. Sans faire abstraction de ses nombreux défauts, WildStar n'était finalement pas en adéquation avec son temps (et a drastiquement revu ses plans à l'occasion de son passage en free-to-play, pour miser finalement aujourd'hui sur une plus grande accessible -- sans grand succès).
Conclusion en dehors du temps
Camelot Unchained, Crowfall, Gloria Victis sont autant d'exemples de futures propositions souhaitant revenir aux sources. Sans aucune illusion, les studios planchant sur ces projets se destinent à proposer des jeux de niche, pour un public réduit mais ciblé. Signe que l'évolution des MMORPG se cherche encore, le genre revoit donc ses ambitions à la baisse en recherchant l'inspiration dans ses codes originels. En attendant, le joueur doit savoir se positionner et affirmer ses revendications, voire ses rêves vidéo ludiques. S'enfermer dans la nostalgie n'aidera pas l'évolution du genre, alors qu'il faut lui redonner du sens. Le MMORPG doit rester unique, original et surtout vivant.
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