Quel avenir pour le MMORPG ?

Suite à l'annonce de l'abandon d'EverQuest Next, nous pouvons ajouter une nouvelle croix dans le cimetière des MMORPG. En pleine évolution, le genre continue de se chercher en manquant désormais cruellement d'ambition.

Issue 7 - Nursery 2

L'abandon du modèle AAA

Nombreux sont les créateurs victimes d'un constat sans appel, celui d'un MMORPG ne pouvant accueillir suffisamment de joueurs pour devenir une réalité. La récente annonce d'un clap de fin pour EverQuest Next illustre la mise en retrait du studio Daybreak Game, pourtant présent à la genèse du genre sous le nom de Verant Interactive. La logique économique a voulu mettre un terme au projet d'un MMORPG ambitieux, préférant se reporter sur des projets plus modestes quitte à devenir un mort-vivant.

Fort d'un EVE Online conservant une aura unique, CCP a eu un temps des ambitions pour gagner de nouveaux publics, de la console au RPG papier. Quelques fermetures plus tard, le studio islandais se recentrait sur son MMORPG tout en gardant un projet de FPS plus proche de son public. La réalité virtuelle sera la nouvelle carte sur laquelle CCP compte se positionner, quitte à continuer de se disperser.
Funcom a longtemps fait du MMORPG sa marque de fabrique, avec des produits dont la finalisation lui a couté chère en terme d'image. Age of Conan et The Secret World perdent progressivement leurs joueurs, une érosion faute d'un renouvellement suffisant par manque de visibilité malgré leurs qualités. Le studio Funcom joue désormais sa survie, pariant sur des petites productions (sur le modèle de The Park et Conan Exiles) pour attirer des joueurs vers ses licences.

Autre pilier du genre, Blizzard Entertainment a abandonné en 2014 l'idée de trouver un successeur à World of Warcraft, projet jugé trop titanesque. Il était donc préférable pour le leader occidental de se concentrer sur un seul MMORPG, tout en se diversifiant sur d'autres projets -- HearthStone, Heroes of the Storm ou prochainement Overwatch -- lui rapportant désormais plus que son titre phare. Les titres cités résument les différents courants traversant l'industrie vidéoludique, quand les TCG, MOBA et autres shooters se déclinent à foison chez chaque éditeur, à défaut de survivre ou d'être mobile. Il était aussi un temps où tous les éditeurs voulaient leur MMORPG, une véritable tirelire qui s'est transformée en gouffres financiers dans de nombreux cas.
Le futur film World of Warcraft illustre néanmoins la volonté de Blizzard de continuer à s'appuyer sur sa licence, peut-être le commencement d'un nouveau souffle. Le cinéma est justement ce qui permet à Star Wars: The Old Republic d'afficher aujourd'hui son plus grand nombre d'abonnés, une résurrection à force d'acharnement d'Electronic Arts après un lancement décevant. Laisser le temps à un MMORPG de devenir mature, c'est se préserver un plaisir de jeu.

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Le besoin d'un renouveau

Il est inutile d'attendre le messie, cela ne ferait que grossir les rangs des joueurs ayant perdu la foi dans le MMORPG. Les joueurs doivent avant tout définir ce qu'ils attendent du genre, pour mieux laisser aux développeurs l'opportunité de bâtir sur le long terme. Les dernières sorties montrent bien que l'on a perdu le fil du genre, une consommation immédiate s'opposant à la persistance d'un monde virtuel. WildStar est ainsi moribond, alors que The Elder Scrolls Online cherche encore le sens de son histoire. La finalité d'un MMORPG ne se trouve pas au bout de la quête épique, mais bien dans les expériences que l'on va être amené à y vivre.

Le temps passé sur un jeu pose la question de l'investissement, à commencer financier. Le modèle économique du genre continue ainsi d'évoluer, quand le free-to-play avec sa boutique montre ses limites, sans pour autant que le buy-to-play tienne la route dans la durée. Un temps rejeté, l'abonnement s'inscrit quant à lui sur le long terme à l'image de ses références telles que World of Warcraft, Final Fantasy XIV, Dofus, RuneScape ou EVE Online. Si le rythme et la qualité des mises à jour ou extensions vont varier, ces productions restent pour l'instant indéboulonnables et sans suite possible, force de l'inertie et du contenu qui s'amoncèle. Le renouveau pourrait ainsi survenir des MMORPG déjà bien en place, accompagnés dans leur évolution par les joueurs.

On n'est pourtant pas à l'abri des nouveautés et ainsi des projets pointent le bout de leur nez tels qu'Albion Online, Crowfall ou Camelot Unchained, ou encore les foisonnants Gloria Victis, Life is Feudal, The Black Death et autres Chronicles of Elyria, entre autres. qui entendent tous plus ou moins renouer avec les origines du genre et flirter avec la fibre nostalgique des joueurs de MMO. Les moyens limités de ces productions vont cependant les obliger à se concentrer sur des idées de gameplay, à défaut d'avoir pour l'instant de l'envergure. Avec une pointe de cynisme, il faut aussi admettre que la construction d'un MMORPG ambitieux demande des moyens importants, à moins de rester à la niche. Les éditeurs se sont éloignés d'un genre aussi risqué que celui du MMORPG, dont les acteurs doivent penser leurs projets avec des moyens plus limités. Il s'agit donc d'une période clé, obligeant les développeurs à réinventer le genre ou emprunter une nouvelle voie.

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L'ambition

Le principal enjeu est donc pour le MMORPG de (re)définir les canons du genre, pour mieux se dessiner un avenir. Il n'est pas question de céder aux tentations d'une vision à court terme. Si le MMORPG se distingue des autres genres, c'est bien qu'il s'inscrit dans la durée où l'on incarnera un avatar des mois, voire des années. La promesse initiale était de s'immerger dans un monde virtuel pour y incarner un rôle et y vivre toute une variété d'aventures en compagnie d'autres joueurs. Il faut donc revenir aux sources sans se perdre dans la nostalgie au risque d'écumer un panthéon sans âme. L'ambition est bien de créer un univers unique à partager, tel est mon secret d'un monde virtuel, d'un MMORPG.

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