Quel bilan pour la scène MMO en 2017 ?

Si l'on considère parfois que l'âge d'or des MMO est passé, l'année 2017 a été riche de tendances : un certain goût pour la nostalgie, le lancement des premiers MMO indépendants, l'explosion du MMO mobile ou encore un regain d'intérêt des développeurs pour le genre.

S'il on considère traditionnellement, à tort ou à raison, que l'âge d'or des MMO est passé, le genre massivement multijoueur n'en est pas moins toujours en évolution constante et cette année 2017 a manifestement été marquée par plusieurs grandes tendances (comme par exemple un certain goût pour la nostalgie ou l'explosion du MMO sur mobile, notamment en Asie) -- et si ces tendances se révèlent plus ou moins significatives, certaines pourraient augurer une forme de renouveau pour le genre.
C'est une évidence, ces dernières années n'ont pas été particulièrement fastes pour le MMO : les principaux acteurs de l'industrie (occidentale) du jeu vidéo s'en sont détournés et le terme même de MMO faisait presque figure de « gros mot », en ce sens qu'il n'était plus utilisé par l'industrie, manifestement de peur de rebuter les joueurs (le studio Rare, par exemple, refuse de qualifier Sea of Thieves de MMO, alors même que les joueurs sont immergés dans un vaste univers évolutif et partagé). Pour autant, le genre massivement multijoueur est toujours vivace -- voire enclin à se renouveler, au prix parfois de certains artifices.

Un certain goût pour la nostalgie ?

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Par définition, les MMO s'exploitent dans la durée et parfois pendant de (très longues) années. Et à une époque où les nouveaux MMO se font rares chez les développeurs d'envergure, les titres les plus anciens prennent une certaine saveur. Il n'est néanmoins pas toujours aisé d'y trouver sa place quand la plupart des joueurs y sont installés depuis des années, ont atteint les plus hauts niveaux et que les zones de bas niveau sont vides ou presque. Pour y remédier de plus en plus d'exploitants initient des versions « Classics » de leur MMO historique -- des versions de ces MMO, relancés tels qu'ils étaient à leur origine, expurgés de leurs principales mises à jour et extensions, afin que l'ensemble des joueurs puisse (re)commencer une nouvelle aventure sur des terres vierges.
Plusieurs MMO emblématiques proposent aujourd'hui de tels serveurs « Classics », comme EverQuest 2 ou Lineage 2, ou encore RuneScape dont la version « old school » attirerait aujourd'hui la moitié des joueurs de la licence.
Mais évidemment, pour cette année 2017, l'annonce la plus emblématique en la matière est sans doute celle de Blizzard : le développeur a profité de la BlizzCon 2017 pour annoncer son intention d'initier le redéveloppement d'une version « Classic » de World of Warcraft.

Et si cette version « Classic » est réclamée de longue date par les joueurs, elle porte toutes les principales problématiques de ce type d'expériences : certains joueurs nourrissent davantage de nostalgie pour l'ambiance des serveurs de l'époque que pour le gameplay d'alors (parfois bien plus ardu et complexe à appréhender, mais encourager aussi les interactions entre les joueurs).
Conscient de cette problématique, les serveurs « Classic » de World of Warcraft que Blizzard souhaite relancer ont précisément vocation à s'appuyer sur une version du jeu qui permettra de restituer cette ambiance originale tout en intégrant les nouveautés qui paraissent aujourd'hui incontournable dans tout MMO... reste à déterminer si le développeur réussira à atteindre l'objectif.

Et les nouveaux MMO ?

Si les MMO déjà bien installés ont tendance à se relancer pour retrouver leur glorieuse jeunesse, les origines du genre inspirent manifestement aussi les développeurs d'aujourd'hui.
Aujourd'hui, le marché du MMO tend manifestement à s'assainir : les acteurs majeurs de l'industrie explorent de nouvelles variantes de jeux en ligne plus ou moins massifs (comme le Battle Royale), de jeux en monde ouvert (qui immergent les joueurs tout en s'appuyant sur un solide contenu narratif) ou qui repensent les interactions entre les joueurs (pour leur faire vivre des moments se voulant plus « mémorables » que « massifs »). Dans ce contexte où les développeurs d'envergure sont moins présents sur le marché historique des MMO, les studios indépendants ont aujourd'hui davantage de latitudes pour s'exprimer (puisque les géants de l'industrie leur font moins d'ombre), peuvent faire des choix plus radicaux et proposer de nouveaux MMO destinés à un public de niche. Et paradoxalement, nombre de ces studios indépendants se revendiquent souvent des origines du genre.

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Plusieurs de ces MMO indépendants sont encore aujourd'hui en développement (et on imagine qu'un certain nombre ne sortira sans doute jamais ou à peine jouables). Mais au cours de cette année 2017, les premiers titres de la scène MMO indépendante ont été officiellement lancés : on pense notamment à Albion Online. Force est d'admettre que le MMO du studio allemand Sandbox Interactive n'a pas pleinement rencontré le succès escompté : le lancement s'est révélé laborieux sur un plan technique et même en terme de gameplay, le développeur a dû faire des concessions (en intégrant des instances, ce qui n'était pas envisagé initialement, ou en réduisant l'envergure de ses mécaniques de jeu). Pour autant, l'exemple d'Albion Online tend à démontrer qu'un petit studio indépendant, sorti de nulle part ou presque, est aujourd'hui en mesure de produire un vrai MMORPG et d'en mener le développement à terme. Et c'est sans doute significatif pour un genre vidéo ludique qui a longtemps été exclusivement accessible aux géants de l'industrie, capables d'enchainer des années de développement impliquant des équipes pléthoriques.
Sur le modèle d'Albion Online, d'autres de ces MMO indépendants sont attendus en 2018 (Crowfall ou Camelot Unchained, entre autres) et pourraient contribuer à renouveler le genre massivement multijoueur tout en s'appuyant sur les codes historiques du genre -- des mécaniques de jeu laissant la part belle aux interactions entre les joueurs.

Le MMO, un genre qui appartient au passé ?

Entre les MMO historiques nostalgiques de leurs premières heures et les nouveaux MMO qui revendiquent un retour aux sources, faut-il conclure que le MMO est aujourd'hui un genre qui appartient au passé ? Peut-être. Mais cette année 2017 aura montré que le genre suscite (de nouveau) un certain intérêt chez les joueurs et les développeurs.

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En vrac et dans le désordre, on retiendra par exemple le nombre d'extensions d'envergure lancées cette année : Stormblood a contribué à consacrer le succès économique de Final Fantasy XIV, Path of Fire a su relancer l'intérêt de Guild Wars 2, Legion (lancée en 2016, mais qui s'est complétée tout au long de l'année 2017) s'est imposée comme l'extension de la plus populaire de World of Warcraft à ce jour. Parallèlement, cette année, le MMO s'est aussi révélé suffisamment populaire pour trouver à se financer (parfois très confortablement) sur les plateformes de financement participatif : on l'a constaté par exemple avec Ashes of Creation et ses 3,27 millions de dollars levés sur KickStarter grâce à des mécaniques de jeu particulièrement attractives (reste à déterminer si le studio Intrepid réussira à les concrétiser), et il en va de même pour Crowfall (plus de 12 millions de dollars levés auprès des joueurs à ce jour) ou encore Chronicles of Elyria, entre autres.

On constate le même engouement chez les développeurs, notamment en Asie. Incontestablement, 2017 a été l'année du MMO sur plateformes mobiles : on ne compte plus les annonces d'envergure (plus d'une dizaine de MMO mobiles reposant sur de grosses licences ont été annoncés lors du G-Star 2017 en Corée) et Lineage M, la déclinaison mobile de Lineage, et Lineage II Revolution ont l'un et l'autre connu un succès commercial retentissant en Asie, au point de booster drastiquement les comptes respectifs de NCsoft et Netmarble. Certes, les joueurs historiques de MMORPG peuvent ne pas trouver leur compte sur ces plateformes mobiles, mais ces nouvelles formes de MMO démontrent sans doute que le genre est capable de s'adresser à un nouveau public et surtout que ce public répond (massivement) présent.
On retiendra peut-être davantage que ces mêmes acteurs qui investissent les plateformes mobiles ne délaissent pas pour autant le PC : NCsoft a ainsi annoncé son Project TL (présenté comme un « MMORPG de nouvelles générations »), Bluehole réinvestit les gains de PUBG dans le développement de Ascent: Infinite Realm (un vrai MMORPG reposant sur des mécaniques RvR), et ils sont d'ores et déjà présentés comme des projets destinés à une exploitation mondiale (sur le modèle de Black Desert Online, l'un des gros succès commerciaux de la scène MMO cette année). En Occident, CCP Games annonce aussi le développement d'un « nouveau MMO extrêmement ambitieux », tout comme Daybreak Game qui renoue avec le développement de jeux en ligne.

Évidemment, on jugera l'ensemble de ces titres sur pièce le moment venu, mais d'ici là, on retiendra que, chez les développeurs, le jeu massivement multijoueur fait manifestement moins figure de genre pestiféré qu'il y a seulement quelques années et qu'au regard de l'engouement des joueurs, sans doute enterre-t-on le MMO un peu vite. Le MMO est loin d'être aussi moribond que d'aucun l'estime parfois.
Dans ce contexte, l'année 2018 devrait être marquée par les lancements, tant en Asie qu'en Occident, de plusieurs de ses nouveaux projets massivement multijoueurs, et on sera sans doute curieux de découvrir si certains d'entre eux seront de nature à renouveler le genre durablement.

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